jeudi 30 décembre 2010

Heureuse année


        Toutes les causes deviennent des causes perdues
Il faut toujours recommencer
Le mythe de Sisyphe Albert Camus le savait déjà
Je n'y peux rien il me faut rester comique
Je pense à ce grand d'Espagne à la triste figure duc d'Auschwitz Chevalier des Droits de l'Homme à mourir connétable de Munich prince du Vel' d'Hiv' seigneur d'Hiroshima marquis de l'Immaculée Conception baron de l'Impérissable Foi déjà un siècle que Zinoviev le futur fusillé de Staline prononçait pour la première fois :"socialisme à visage humain"
Et la tradition des grands clowns lyriques de Briand 
" Arrière, les canons ! Arrière, les mitrailleuses ! " 
de Léon Bloum de Chaplin et des Fratellini
Il faut serrer les dents et continuer de faire rire de soi c'est simplement et seulement une question de quelques tartes à la crème de plus sur les visages de quelques morts
                                                  La précarité…..

L’indifférence a fait ce monde mais ne peut y vivre 
la pensée ne vaut que dans la mesure où l’on découvre des revendications et les impose
Ces étudiantes révolutionnaires qui ont manifesté nues à Canton en 1927 mouraient l’année suivante dans les chaudières 
des locomotives 
C'est encore dans cette ville qu'en décembre 1927 se déroule la tentative infructueuse de la « Commune de Canton » un des derniers efforts du P.C.C. et du Komintern pour démontrer que les centres urbains pouvaient constituer la principale base d'action du mouvement révolutionnaire malgré les défaites du printemps de 1927
                                        Ici les fêtes de la pensée finissent
Si nous gardons quelque satisfaction de l’intelligence que l’on nous reconnaît généralement c’est pour les moyens qu’elle peut mettre au service d’un extrémisme que nous avons sans discussion possible choisi
                            Il convient de parler d’une autre condition humaine
Une civilisation complète se fera où toutes les formes d’activité tendront en permanence au bouleversement passionnel de la vie
Ma pratique du dépaysement et le choix des rencontres 
le sens de l’inachèvement et du passage 
l’amour transporté en vitesse dans l’esprit 
l’invention et l’oubli sont parmi les composantes  
d’une éthique de la dérive 
dont j’ai commencé (1967) 
l’expérience dans la pauvreté des villes de ce temps
Le bonheur est une idée neuve
C’est l’unité de la misère qui se cache derrière les oppositions
       Si les formes diverses de la même aliénation se combattent sous les masques du choix total c’est parce qu’elles sont toutes édifiées sur les contradictions réelles refoulées
       Selon les nécessités du stade particulier de la misère qu’il dément et maintient le pouvoir existe sous une forme concentrée 
ou sous une forme diffuse
Dans les deux cas il n’est qu’une image d’unification heureuse environnée de désolation et d’épouvante au centre tranquille du malheur
Les pouvoirs sont des choses qui règnent et qui vieillissent 
qui se chassent et se remplacent elles mêmes
Je rrrefuse ces monstrueuses ouvertures de compas au nom de la Vérité qui placent une pointe dans la souffrance l'autre dans l'avenir et qui font des lendemains qui chantent le morne silence d'aujourd'hui

Il n'y a pas de vérité

Prenez une vérité laissez la reposer un bon moment pour voir si elle ne change pas de couleur sous vos yeux et si elle ne tourne pas à son contraire observez de quoi elle se nourrit - des fois que ce serait de vous ? Portez-la ensuite à hauteur d'homme ni plus haut ni plus bas sentez-la bien assurez vous que cela ne sent pas le cadavre mordez-en un tout petit bout goûtez prudemment sans avaler mâchez-la très soigneusement surtout si l'on veut vous la faire avaler intacte voyez si ça ne vous étouffe pas si ça ne vous reste pas dans la gorge si ça ne vous tord pas les boyaux si ça ne vous sort pas aussitôt par les narines si ce n'est pas accompagné de sueur et de nausée et si tel n'est pas le cas avalez-la mais peu à peu petit à petit en mâchant toujours longuement chaque bouchée mais surtout surtout soyez toujours  prêt à la  recracher
                                     La démocratie c'est le droit à recracher
Alors artiseur scribecouillon matuvu matuesgourdé et autre pèlerin bipède autant que Voltaire je t'emmerde et que le cul te pèle en cette année pareille à celle d'avant et plutôt que de frémir sur une affiche bien récupérée par cette faune amusée (en musée) par ton spectacle sans sa société  ( Guy Debord s'est suicidé ) vas lire (relire) L’insurgé de Jules Vallès et souviens toi de la commune pour aborder cette année future qu’il me semble que tu veux égale à celles passées pour continuer à vivre par procuration.
Je ne serais jamais un clown lyrique 
Le bonheur est une idée neuve
Qu’est-ce qu’on gagne quand on est heureux ?
Christian Astor
PS : qui lit mal achète une paire de binocles !
Extrait de : « La parabole de l’aveuglé »
... à suivre...

dimanche 26 décembre 2010

lundi 8 novembre 2010

De la gueule de bois considérée comme un objet de l'artisanat populaire

A tous les disparus, à tous les vivants, à tous les ivrognes et autres fêlés.

Hier, je suis ici dans mon atelier, je me suis tapé une gueule de bois si horrible et si douloureuse qu’alors la comparer à un grand-guignolesque objet de l’artisanat populaire seul me parut juste. Ceux qui me vendaient pareil produit ? Jamais vous ne voudriez les connaître plus avant.
Normalement, une gueule de bois, ça mord la poussière avec le coucher du soleil, ça crève comme le grand serpent des gouvernements qui à force de bravoure se mord toujours la queue. La, pas question de crever : ma gueule de bois se fit objets d’artisanat populaire que l’on aurait fabriqué avec des bouts de mon système nerveux central, des morceaux de mon ventre et autres fins lambeaux de ce qui dans ma cervelle me tient lieu d’imagination.
Tour à tour cela se fit poupée, méchantes petites poupées mal taillées et qui puaient, et aussi babioles dont personne ne voudrait parce qu’on les a faites à l’aide de boîtes de bière rouillées et de tessons de bouteilles, et aussi des tableaux sur tuiles peintes à la merde de flamands roses et bien sûr, le paix et amour chemises locales de couleurs vives taillées dans tous les caleçons et autres maillots de corps que toujours portent les cadavres que détroussent les voleurs albinos quand c’est la nuit, quand c’est qu’il y a une tombe à profaner et que c’est la pleine lune. Parce que ces messieurs, c’est tout juste s’ils travaillent douze nuits l’an. A rôder autour des maisons et à regarder la télé comme des bêtes. A battre leurs femmes quand c’est la pause publicité.
Tout ceci pour dire que des journées comme celle d’hier, j’en veux plus d’autres dans ma vie. Lorsqu’enfin ma gueule de bois s’estompa, tous mes petits vendeurs étaient déjà partis, avec eux, avec eux avaient emporté leurs étranges marchandises. Avec eux aussi avaient remballé tout ce qui dans mon corps pouvait se dire impression : sauf une - celle, fort abstraite et crayeuse, d’être encore à respirer.
Pas vrai, Florentin ?

jeudi 4 novembre 2010

Mon vieux


Un jour tu es né sur la planète bleue propulsé par le vent, terrible vent, le mistral.
Ce vent des fous que toute ta vie d’honnête homme à l’ouvrage tu affrontas dignement sans que jamais une fois ton dos ne se voûte . 
Ce vent qui un jour me souffla soudain à l’oreille que j’avais plus d’amis morts que j’en avais de vivants. 
La première fois que ça me traversa l’esprit, je passais toute une après-midi à retourner des dizaines de gens dans ma tête. Comme on ferait aux pages d’un dictionnaire pour y trouver un nom.
Pour voir si c’était bien vrai. 
Et ça l’était. 
Je ne sus qu’en penser. 
Je commençais par me sentir triste. 
Et puis, lentement, la tristesse fit place à rien du tout et ça, c’était déjà mieux.
Ce fut comme ne pas voir que le vent souffle quand il fait tempête.
Comme d’avoir l’esprit ailleurs.
Là-bas il n’y a pas de vent.
Ce matin tôt dans la nuit tu t’es envolé dans le vent.
Je vais apprendre à voler.

A tantôt Florentin. 

mardi 2 novembre 2010

Mon vieux


Florentin est parti de l'hôpital à 2h du matin vers où il n'y a pas de vent

vendredi 29 octobre 2010

Pour les agités du bocal



Cette photo (quelque peu tronquée) est d’avril 1981 et présente la fresque initiale.
Nous étions un groupe de peintres qui par solidarité avions pris nos couleurs et nos pinceaux pour apporter notre soutien à la grève des mineurs qui durait depuis mai 1980. J’insiste Nos couleurs Nos pinceaux. Il est facile de nommer cette fresque de Stalinienne lorsque à l’ époque les mêmes moqueurs, critiques de plus, amassaient des tunes pour devenir les plus riches du cimetière, cimetière qui malheureusement a déjà accueilli Alain Gouédard, Pierre Provost, Mansour, Michel Gilles et Maurice Laurent, ils ont tous participé  à la réalisation de cette fresque et cela leur a coûté un peu plus que leur matériel et leurs couleurs offertes car ils sont morts ! 
OUI MORTS bien avant qu’ils puissent jouir d’une retraite sans jamais avoir eu le peu d’argent gagné par leur labeur journalier d’hommes du commun à l’ouvrage.
Moi, Christian Astor, je jure qu’avant de rejoindre mes amis disparus, combattrais toujours la bêtise et l’injustice cachées derrière les petits mots d’humour, voilées sous les sourires de mépris. Et non pas avec les armes qu’utilisent ces sales individus mais les montrant à chaque occasion du doigt en les interpellant de ces doux mots : cassez vous bande d’enculés.

jeudi 28 octobre 2010

Le nain

La semaine dernière (mardi)j’ai vu deux nains le même jour. A une heure l’un de l’autre maximum, et dans la même rue. On aurait dit d’une manifestation du hasard le plus pur, d’un exemple tendant à démontrer que la vie décidément n’obéit à aucune loi.
Comme si l’on ne savait jamais ce qu’il va arriver dans cinq minutes !
Moi, les nains, ça me fascine depuis toujours. Chaque fois que j’en vois un, j’en ai quasi le souffle coupé. Regarder un nain, c’est pour moi comme d’assister à un tour de magie. Nombreux sont ceux qui pensent qu’un nain, c’est comme un petit enfant. Même que c’est là une des premières pensées qui leur passe par la tête : eh bien moi non.
Parce que moi les nains, je n’arrive jamais à croire que ça a pu avoir une enfance. Et toujours m’imagine que celui que j’ai devant moi n’a pas changé depuis sa naissance - même lorsque le dit nain à quasi la soixantaine. Non les nains, ça n’a qu’un âge : dès la naissance. Apprendre à lire et à écouter à un nain ? Bagatelle que tout cela : toujours le nain sait tout avant d’apprendre.
A dire toutes ces choses, ne croyez pourtant pas que je ne fasse pas très attention à ce que je pense. Je n’ai, non, aucune envie de blesser quiconque. Je sais parfaitement que les nains sont des gens sensibles et pleins de compassion qui doivent se débrouiller de problèmes bien extraordinaires : loin de moi de leur enlever ça.
Il n’empêche : les nains ont pour moi quelque chose de magique...
Peut-être était-ce qu’il y avait ce jour là manifestation et qu’à une heure l’un de l’autre j’en avais rencontré tous les délégués, l’un et une heure après, son ombre. 

mardi 26 octobre 2010

Rien à braire

... et trois ans passèrent sans que rien n’arrive
Et la première année il ne remarque même pas que rien ne se reproduisait.
A mi-parcours de la deuxième, lentement la vérité s’en fit pourtant jour dans sa tête, en aurore pour bande dessinée qu’on refuse, en dessin que revue ou journal plus personne ne veut publier, en charge de couleurs que l’artiste lui-même finit par jeter au panier, qu’il oublie même d’avoir créée.
... on n’en a plus d’exemplaires, aucune trace n’en a été marquée dans la mémoire...
Cette manière d’aurore ne lui vient à l’esprit qu’à mi-chemin de la deuxième année où toujours rien n’arrive.
La troisième année à peine a commencée lorsqu’enfin pleinement il comprend que rien n’arrive . Alors il se met à songer.
Bonne ou mauvaise chose, il n’en sait rien.
Il lui faudra encore onze mois de rien toujours n’arrive : la troisième année tire à sa fin .
Alors il se demande si la fait que toujours rien n’arrive lui fait vraiment quelque chose : ne s’agirait-il pas peut-être de quelque accès de nostalgie ? Ne jouerait-il pas, lui aussi, aux victimes du passé ?
Il décide d’attendre encore un an, histoire de voir comment ça fait, vraiment.
Pourquoi se lancer dans des trucs, hein ? se dit-il.
Comme si ça valait le coup de tout de suite aller s’en foutre jusque pardessus 
les trous du nez ! 

mardi 19 octobre 2010

mardi 12 octobre 2010

samedi 9 octobre 2010

Mauvaise humeur



Suie encre et crayons de couleurs sur papier Japon
14 x 47 cm
9 10 2010

L'Arlésien (un temps)


En effet J.D j'ai rencontré Guy en 1985 à Arles 
j'ai aussi fait une autre rencontre à Arles 
 LA SEULE rencontre 
depuis je peux répondre à la question:
qu'est-ce qu'on gagne quand on est heureux ? 


Pour J.D (fin)


vendredi 8 octobre 2010

Réponse à J.D ... (c'est ainsi qu'il... elle signe)

J'use de ce blog pour répondre à une personne très courageuse qui ne m'a pas laissé son adresse

J. D
 je crois qu'il n'existe personne au monde qui soit capable de s'intéresser à mon livre en dehors de ceux qui sont ennemis de l'ordre social existant
Le plus souvent les commentateurs font mine de ne pas comprendre à quel usage on pourrait destiner un livre qui ne saurait être classé dans aucune des catégories des productions intellectuelles que la société encore dominante veut bien prendre en considération et qui n'est écrit du point de vue d'aucun des métiers qu'elle encourage

Un livre de peintre... pensez donc...

J . D je ne vous souhaite pas le bonjour mais une mauvaise journée

Christian Astor

mercredi 6 octobre 2010

Surprise

on n'a pas été sans remarquer
à quels résultats étranges 
aboutissent les élections en notre pays
au point qu'à la lecture des chiffres
on pouvait se demander si "le peuple" 
ne se compose pas
somme toute
de millionnaires
auxquels ne s'opposerait 
qu'une élite infime d'ouvriers 

mardi 5 octobre 2010

jeudi 30 septembre 2010

Humeurs


Unique exemplaire de "Humeurs"
 livre de 30 pages sur satiné Arches 
19 x 11 cm
8 peintures originales sur papier Japon à l'intérieur
 "Humeurs" imprimé jeudi 30 septembre 2010 à Saint Jean du pin

mercredi 29 septembre 2010

Les paysages du corps







acrylique encre crayons de couleurs sur papier Japon
65 x 17 cm
2010

lundi 27 septembre 2010

Citoyens de beauté







Série débutée en 1992 reprise cette semaine

samedi 25 septembre 2010

digitales 9 ( dans la série "Identité nationale" )



Acrylique encre crayons de couleurs
40 x 30 cm
2010

vendredi 24 septembre 2010

Juju...


T'avais tout pigé
puisqu'il en reste si peu
buvons le jusqu'à la lie

jeudi 23 septembre 2010

Le retour de l'enfant prodigue



Absence

À zapper sans arrêt

je vois beaucoup de visages

jamais le bon

juste des visages

angoisse

ZAP ZAP ZAP

+ - + - + - +

visages qui jazzent

ZAP JAZZ ZAP JAZZ

qu’est-ce qu’ils foutent là ?

qui les a mis là ?

et ma gueule ?

où est ma gueule ?


mercredi 8 septembre 2010

Autoportrait 01 2005 / 10 2006






















Acrylique encre crayons de couleurs sur Japon
162 x 120 cm
01 2005 / 10 2006


L'art peut être tout et n'importe quoi et le peu que l'on connaisse et que l'on cite est ainsi trop souvent détaché du reste de l'œuvre ce qui aboutit le plus souvent à un propos sans consistance : la mariée mise à nu dans les près du champ du signe par ses célibataires même alors que le grand verre est bu par Rose Sélavy question d'hygiène intime : faut-il mettre la moelle de l'épée dans le poil de l'aimée ?
Marcel répondit : à verge de rechange , la crasse du tympan au cul de la douairière.
Mot chaste
tout devient obscène
C'en est fini des fleurettes d'amour il ne reste plus qu'à consulter au ventre
Poètes qui défont leurs cravates en nuages
Avec des mots qui font rire les rats de bibliothèque
Aux lectures dictées sans âge
Alors que moi peintre punaisé aux cimaises
Tous les matins je peins une poire

vendredi 27 août 2010

Toréador




Pigments
Photo
195 x 130 cm / 2010

D’humeur badine, dodelinant d’une jambe puis de l’autre -tour à tour- mouvements alternes d’occupation du vide, il avait posé la main gauche sur la crête de sa hanche, où revenait à présent à la charge des claques charnues, du creux de la paume, les doigts ouverts comme on frappe la croupe chaude et rebondie d’un cheval en signe de flatterie ou de caresse, sur ses reins la main droite dissimulait le leurre; face à lui, du poil noir et dru lissé par la lumière, avait expulsé la fraîcheur de l’ombre matinale et s’était au décours de la journée appropriée une tiédeur devenue animale, avant peu, une chaleur de poêle

Noir

Venu d’où on ne sait, sur le sable, voletant, dodelinant, lumineux, l’or badinait oublieux de tout, s’exhalant dans le soleil, tel une vaine pensée de la saison. Diaphane et théâtral, il prenait plaisir à pénétrer sans passeport sur le territoire de la croupe noire, sans demander permission à personne. Lui non plus ! Avec ses manières de beauté à la promenade, libre de ses itinéraires, léger de pied autant que de vie, le courage n’en parlons point, qui se laisse solliciter deçà delà par mille variantes imprécises, croupe, lumière, ombre, public, au bazar de la liesse sans frontière.

Rouge

Or

Toréador, prends garde à toi, un oeil noir te regarde.

dimanche 15 août 2010

L'écrit d'un conservateur de musée (gonflé) non édité dans le catalogue...

Portrait de l’artiste en rétro

Qui monte sur le noyau pour voir la pêche a fort peu de chances d’apercevoir le verger.

Frère Sérapion.

L’idée même d’une rétrospective Astor est une imposture. Automobiliste égaré au Cailar, si tu crois t’arrêter pour voir un monument de granit faire un bras d’honneur à l’éternité, passe ton chemin et rejoins les certitudes de la départementale !

Cette rétrospective sera donc celle du moment. Néanmoins, quel que soit le nom qu’on lui donne, cette initiative vient à point nommé. De nombreuses aventures se sont achevées. Les brevets déposés par Astor, peintre et polémiste, sont entrés dans le domaine public. Il n’y a plus un seul mort depuis belle lurette dans les placards de la maison ! L’œuvre a fait sa vie et vice versa. La guerre a eu raison de la tristesse. De l’herbe a poussé sous les poires. Du haut des murs de Ladrecht, des courses de kart nous contemplent et Riz Lacroix a arrêté son accord de mécénat…

D’aucuns nous répliqueront que toute rétrospective d’un artiste déjà confirmé mais encore dans son jus se heurte par définition aux mêmes objections. Peut-être. La nuance est néanmoins de taille. En effet, généralement, les critiques d’art intéressés protestent mollement, déployant une rhétorique circulaire, pour souligner la rigueur incorruptible et l’invention imputrescible résistant à l’âge et aux hommages, qui de son gominé ténébreux Soulages qui de son tiède aigre-doux Zao Wou Ki.

Le projet du Cailar n’a rien d’ambigu. C’est une présentation du travail le plus actuel qui s’offre une mise en perspective avec des cycles refermés. La différence essentielle avec l’ embaumement muséal réside bien dans le fait que ce n’est pas la présentation de la rétrospective qui signe la fin du cycle mais bien l’accomplissement préalable d’un certain nombre d’étapes nécessaires.

Le thème principal sera la couleur. Autant le dire, Astor n’a pas de problème avec la couleur. Par ailleurs, le jour où la couleur ne sera plus un problème, on pourra cesser de dire que la peinture a été battue en brèche par la photographie dès l’apparition de cette dernière, au XIXe siècle. Il faut tout d’abord enlever la couleur aux chimistes car un jour viendra où les peintres ne parleront plus de Chevreul. Les mots mêmes qui définissent la couleur sont pauvres : éclatante, raffinée, lumineuse, criarde, etc. Les saisons sont appelés à la rescousse, on ressort ses classiques et leurs correspondances musicales. On cite Venise (ah ! le vert Véronèse !) et quand on pense aux impressionnistes, on se rassure car le ton local résiste mieux à la mondialisation que les pigments et les pinceaux.

Plus sérieusement, le chantier passionnant ouvert par les expressionnistes a été refermé bruyamment à la fin des abstractions et la seule certitude que nous laissent les formes artistiques des trente dernières années est qu’elles ont fait reculer la couleur de bien plus de trente ans.

Astor aime la couleur parce qu’elle l’étonne. Bien qu’il en connaisse tous les principes, il ne se contente pas d’en appliquer les formules. Lorsque la couleur parvient, haletante, à notre regard, elle a été opprimée, affamée, asséchée, enfumée, exténuée, réduite, asphyxiée. Elle n’est plus alors que la lumière d’elle-même.

La peur de la couleur chez le commun des peintres et des critiques présente des rapports obscurs avec la peur du grandiloquent. Le triomphe d’un art humble a longtemps accompagné le refus de la peinture d’histoire. Or le retour historiciste des pompiers n’a pas libéré notre appréciation de l’art d’aujourd’hui car les regards sur l’art vivant et l’art ancien ont cessé de se croiser. Le demi-siècle de Beckett ne doit pas inaugurer une esthétique de la pauvreté. La couleur est aussi un droit. Les enfants, ces étrangers dérangeants qu’Astor a fréquentés, s’en donnent à cœur joie. Ils manipulent la couleur comme une pâte brisée. En revanche, sitôt atteint l’âge de raison, leur œil mue. C’est l’ère des stratégies de l’évitement. La voix ne doit pas porter, la rétine s’opacifie. L’homo chromaticus remonte dans l’arbre pelé de l’évolution et accouche d’un singe à poils gris. Le futur adulte s’accoutumera désormais à accumuler de la connaissance en monochrome.

Fatigué de clamer dans le désert, Astor chromatise dans l’atelier. Les humains ne viennent pas en trop grand nombre faire tache sur les murs. La peinture qui naît chaque jour appartient à une famille mais elle est fondamentalement nouvelle. L’observateur, pressé de commenter, ne peut s’en sortir par les pirouettes de la filiation et des influences, élixir diabolique des visites d’atelier. Privé de ce filet, le regardant se pose, avant de dégringoler l’escalier, des questions d’esthétique. Pour la première fois, il regarde une peinture avant de l’avoir reconnue et comprise et, réalisant que le processus d’identification que l’on désigne sous le nom de culture ne se déclenche pas tout seul, il a recours aux vieilles recettes. Il se demande alors si ce qu’il voit est beau, question tellement radicale qu’elle équivaut à appeler sa maman pour la première fois depuis cinquante ans. Il comprend alors qu’il ne sait pas si c’est beau. Il voit que c’est nouveau, fort, impressionnant, tendre, musclé, poivré. Audacieux, il décide que cela vaut la peine de regarder encore avec les yeux cryptiques. Les yeux cryptiques sont comme la deuxième paire de lunettes d’Afflelou, ce qui vous reste quand vous êtes nu. Alors, l’observant oublie ce qu’il a appris, se réconcilie avec lui-même et aime.

Pèlerin de bonne foi du saint Cailar, tu te contenteras de tes yeux quotidiens et de ton cœur ordinaire pour accepter cette douloureuse offrande de trente ans de peinture…

Axel Hémery, Toulouse, avril 2005.



Extraits de guerre à la tristesse

Pour moi peindre l’espace d’un tableau

est une manière de dire la difficulté d’habiter le temps

Se désintéresser de ce qui est extérieur

paysage objet

réalité économique

relation sociale

devenir historique

que le regard plonge à l’intérieur de soi

dans ce domaine inconnu et obscur

où naissent

pensées rêves

images

impressions fugitives

les pulsions

porter attention aux mouvements les plus ténus de la vie intérieure

dont la faculté maîtresse est l’imagination

mais une forme d’imagination qui refuse le pittoresque

la narration

domaine de l’imaginaire

jardin secret inconnu de tous

soi

qui est à la fois tout entier enclos dans l’esprit

à la mesure de l’universel riche de tous les possibles

être soi

être à soi

S’inventer n’est jamais une action

une intrigue

Refuser le conte

La peinture se tait

elle est couleur

sans jouer de rôle

La finesse extrême de l’épaisseur de la matière picturale ou son épaisseur surfacée l’attention aux taches qui se forment autant de conditions pour que la peinture diffuse son rayonnement sur un motif plus ou moins complexe de couleurs entrelacées pour rompre à l’occasion la surface du tableau entrelacs constitués en bandes peintes d’un bord à l’autre de la toile sectionnant (répartissant) le tableau en surfaces égales ou inégales où chute et pluie de lumière entre les traits –herbes- révèlent le vide du blanc pluie lacérant le papier de traits raturés ou encore froide pluie fine qui couche les herbes pareille au vent des fous une herbe qui ébroue les ratures en mouvements courbés ou cassés qui gifle boues et torchis les blanchit comme s’il s’agissait de résister au visible et au temps qui passe à son écoulement sans trace imprégnant juste la toile et sa couleur

trouble évanescence

Elle s’est la pluie

dès ses premières gouttes attachées à transgresser les apparences

à dissoudre sous le froid un regard décidé

à mouiller l’herbe sèche afin que le mouillé et le sec soient mesurables

à libérer la peinture par la fulgurance d’une écriture sensuelle

Produire de l’espace en éveillant la couleur

Je la vois dès lors la pluie se dégager de l’emprise de la vision

tenter de pénétrer au cœur du tableau pour s’éprouver en lui

restituer le sens par le pouvoir exclusif d’une orchestration colorée

fortifier son rythme

prendre la mesure de son essor plastique

inventer des formes tendues piquantes vibrantes stabilisées en vérité en leur tempérament fougueux

Les herbes exaltées vers le véritable lieu de leur séjour ne sont que des formes apparemment abstraites qui reprennent avec une assurance accrue

contact avec le monde

Ce que j’appelle parfois œuvre de peintre ne désigne pas une manière un style mais ce par quoi l’œuvre cesse de s’appartenir ce dehors qui la pénètre et l’arrache à elle-même qui la réduit à être trace non pas d’un geste ou d’un sentiment

mais d’une absence