vendredi 27 août 2010

Toréador




Pigments
Photo
195 x 130 cm / 2010

D’humeur badine, dodelinant d’une jambe puis de l’autre -tour à tour- mouvements alternes d’occupation du vide, il avait posé la main gauche sur la crête de sa hanche, où revenait à présent à la charge des claques charnues, du creux de la paume, les doigts ouverts comme on frappe la croupe chaude et rebondie d’un cheval en signe de flatterie ou de caresse, sur ses reins la main droite dissimulait le leurre; face à lui, du poil noir et dru lissé par la lumière, avait expulsé la fraîcheur de l’ombre matinale et s’était au décours de la journée appropriée une tiédeur devenue animale, avant peu, une chaleur de poêle

Noir

Venu d’où on ne sait, sur le sable, voletant, dodelinant, lumineux, l’or badinait oublieux de tout, s’exhalant dans le soleil, tel une vaine pensée de la saison. Diaphane et théâtral, il prenait plaisir à pénétrer sans passeport sur le territoire de la croupe noire, sans demander permission à personne. Lui non plus ! Avec ses manières de beauté à la promenade, libre de ses itinéraires, léger de pied autant que de vie, le courage n’en parlons point, qui se laisse solliciter deçà delà par mille variantes imprécises, croupe, lumière, ombre, public, au bazar de la liesse sans frontière.

Rouge

Or

Toréador, prends garde à toi, un oeil noir te regarde.

dimanche 15 août 2010

L'écrit d'un conservateur de musée (gonflé) non édité dans le catalogue...

Portrait de l’artiste en rétro

Qui monte sur le noyau pour voir la pêche a fort peu de chances d’apercevoir le verger.

Frère Sérapion.

L’idée même d’une rétrospective Astor est une imposture. Automobiliste égaré au Cailar, si tu crois t’arrêter pour voir un monument de granit faire un bras d’honneur à l’éternité, passe ton chemin et rejoins les certitudes de la départementale !

Cette rétrospective sera donc celle du moment. Néanmoins, quel que soit le nom qu’on lui donne, cette initiative vient à point nommé. De nombreuses aventures se sont achevées. Les brevets déposés par Astor, peintre et polémiste, sont entrés dans le domaine public. Il n’y a plus un seul mort depuis belle lurette dans les placards de la maison ! L’œuvre a fait sa vie et vice versa. La guerre a eu raison de la tristesse. De l’herbe a poussé sous les poires. Du haut des murs de Ladrecht, des courses de kart nous contemplent et Riz Lacroix a arrêté son accord de mécénat…

D’aucuns nous répliqueront que toute rétrospective d’un artiste déjà confirmé mais encore dans son jus se heurte par définition aux mêmes objections. Peut-être. La nuance est néanmoins de taille. En effet, généralement, les critiques d’art intéressés protestent mollement, déployant une rhétorique circulaire, pour souligner la rigueur incorruptible et l’invention imputrescible résistant à l’âge et aux hommages, qui de son gominé ténébreux Soulages qui de son tiède aigre-doux Zao Wou Ki.

Le projet du Cailar n’a rien d’ambigu. C’est une présentation du travail le plus actuel qui s’offre une mise en perspective avec des cycles refermés. La différence essentielle avec l’ embaumement muséal réside bien dans le fait que ce n’est pas la présentation de la rétrospective qui signe la fin du cycle mais bien l’accomplissement préalable d’un certain nombre d’étapes nécessaires.

Le thème principal sera la couleur. Autant le dire, Astor n’a pas de problème avec la couleur. Par ailleurs, le jour où la couleur ne sera plus un problème, on pourra cesser de dire que la peinture a été battue en brèche par la photographie dès l’apparition de cette dernière, au XIXe siècle. Il faut tout d’abord enlever la couleur aux chimistes car un jour viendra où les peintres ne parleront plus de Chevreul. Les mots mêmes qui définissent la couleur sont pauvres : éclatante, raffinée, lumineuse, criarde, etc. Les saisons sont appelés à la rescousse, on ressort ses classiques et leurs correspondances musicales. On cite Venise (ah ! le vert Véronèse !) et quand on pense aux impressionnistes, on se rassure car le ton local résiste mieux à la mondialisation que les pigments et les pinceaux.

Plus sérieusement, le chantier passionnant ouvert par les expressionnistes a été refermé bruyamment à la fin des abstractions et la seule certitude que nous laissent les formes artistiques des trente dernières années est qu’elles ont fait reculer la couleur de bien plus de trente ans.

Astor aime la couleur parce qu’elle l’étonne. Bien qu’il en connaisse tous les principes, il ne se contente pas d’en appliquer les formules. Lorsque la couleur parvient, haletante, à notre regard, elle a été opprimée, affamée, asséchée, enfumée, exténuée, réduite, asphyxiée. Elle n’est plus alors que la lumière d’elle-même.

La peur de la couleur chez le commun des peintres et des critiques présente des rapports obscurs avec la peur du grandiloquent. Le triomphe d’un art humble a longtemps accompagné le refus de la peinture d’histoire. Or le retour historiciste des pompiers n’a pas libéré notre appréciation de l’art d’aujourd’hui car les regards sur l’art vivant et l’art ancien ont cessé de se croiser. Le demi-siècle de Beckett ne doit pas inaugurer une esthétique de la pauvreté. La couleur est aussi un droit. Les enfants, ces étrangers dérangeants qu’Astor a fréquentés, s’en donnent à cœur joie. Ils manipulent la couleur comme une pâte brisée. En revanche, sitôt atteint l’âge de raison, leur œil mue. C’est l’ère des stratégies de l’évitement. La voix ne doit pas porter, la rétine s’opacifie. L’homo chromaticus remonte dans l’arbre pelé de l’évolution et accouche d’un singe à poils gris. Le futur adulte s’accoutumera désormais à accumuler de la connaissance en monochrome.

Fatigué de clamer dans le désert, Astor chromatise dans l’atelier. Les humains ne viennent pas en trop grand nombre faire tache sur les murs. La peinture qui naît chaque jour appartient à une famille mais elle est fondamentalement nouvelle. L’observateur, pressé de commenter, ne peut s’en sortir par les pirouettes de la filiation et des influences, élixir diabolique des visites d’atelier. Privé de ce filet, le regardant se pose, avant de dégringoler l’escalier, des questions d’esthétique. Pour la première fois, il regarde une peinture avant de l’avoir reconnue et comprise et, réalisant que le processus d’identification que l’on désigne sous le nom de culture ne se déclenche pas tout seul, il a recours aux vieilles recettes. Il se demande alors si ce qu’il voit est beau, question tellement radicale qu’elle équivaut à appeler sa maman pour la première fois depuis cinquante ans. Il comprend alors qu’il ne sait pas si c’est beau. Il voit que c’est nouveau, fort, impressionnant, tendre, musclé, poivré. Audacieux, il décide que cela vaut la peine de regarder encore avec les yeux cryptiques. Les yeux cryptiques sont comme la deuxième paire de lunettes d’Afflelou, ce qui vous reste quand vous êtes nu. Alors, l’observant oublie ce qu’il a appris, se réconcilie avec lui-même et aime.

Pèlerin de bonne foi du saint Cailar, tu te contenteras de tes yeux quotidiens et de ton cœur ordinaire pour accepter cette douloureuse offrande de trente ans de peinture…

Axel Hémery, Toulouse, avril 2005.



Extraits de guerre à la tristesse

Pour moi peindre l’espace d’un tableau

est une manière de dire la difficulté d’habiter le temps

Se désintéresser de ce qui est extérieur

paysage objet

réalité économique

relation sociale

devenir historique

que le regard plonge à l’intérieur de soi

dans ce domaine inconnu et obscur

où naissent

pensées rêves

images

impressions fugitives

les pulsions

porter attention aux mouvements les plus ténus de la vie intérieure

dont la faculté maîtresse est l’imagination

mais une forme d’imagination qui refuse le pittoresque

la narration

domaine de l’imaginaire

jardin secret inconnu de tous

soi

qui est à la fois tout entier enclos dans l’esprit

à la mesure de l’universel riche de tous les possibles

être soi

être à soi

S’inventer n’est jamais une action

une intrigue

Refuser le conte

La peinture se tait

elle est couleur

sans jouer de rôle

La finesse extrême de l’épaisseur de la matière picturale ou son épaisseur surfacée l’attention aux taches qui se forment autant de conditions pour que la peinture diffuse son rayonnement sur un motif plus ou moins complexe de couleurs entrelacées pour rompre à l’occasion la surface du tableau entrelacs constitués en bandes peintes d’un bord à l’autre de la toile sectionnant (répartissant) le tableau en surfaces égales ou inégales où chute et pluie de lumière entre les traits –herbes- révèlent le vide du blanc pluie lacérant le papier de traits raturés ou encore froide pluie fine qui couche les herbes pareille au vent des fous une herbe qui ébroue les ratures en mouvements courbés ou cassés qui gifle boues et torchis les blanchit comme s’il s’agissait de résister au visible et au temps qui passe à son écoulement sans trace imprégnant juste la toile et sa couleur

trouble évanescence

Elle s’est la pluie

dès ses premières gouttes attachées à transgresser les apparences

à dissoudre sous le froid un regard décidé

à mouiller l’herbe sèche afin que le mouillé et le sec soient mesurables

à libérer la peinture par la fulgurance d’une écriture sensuelle

Produire de l’espace en éveillant la couleur

Je la vois dès lors la pluie se dégager de l’emprise de la vision

tenter de pénétrer au cœur du tableau pour s’éprouver en lui

restituer le sens par le pouvoir exclusif d’une orchestration colorée

fortifier son rythme

prendre la mesure de son essor plastique

inventer des formes tendues piquantes vibrantes stabilisées en vérité en leur tempérament fougueux

Les herbes exaltées vers le véritable lieu de leur séjour ne sont que des formes apparemment abstraites qui reprennent avec une assurance accrue

contact avec le monde

Ce que j’appelle parfois œuvre de peintre ne désigne pas une manière un style mais ce par quoi l’œuvre cesse de s’appartenir ce dehors qui la pénètre et l’arrache à elle-même qui la réduit à être trace non pas d’un geste ou d’un sentiment

mais d’une absence

lundi 9 août 2010

et zou !




Un peu de temps passe et s'avisant que tout à repris comme devant
sur son écran
le puant récidive
c'est pour le coup
une seconde semonce
et tient prête la troisième pour aussitôt après:
soit la foudre démolissante
l'écrabouille-tout
une foudre définitive
propre à laisser sur l'écran
à la place de sa face de bouc
une tache noirâtre
une tache roussie
écran noir
dont s'exhale une brève senteur de fiante
rien d'autre
rien d'autre
non
rien d'autre : rien
sinon une brève senteur de fiante
qu'une bouffée d'air dissipe
rien
ainsi s'en était allé
ou peu s'en faut
la face de bouc
acheter un nouvel ordinateur

extrait de " la parabole de l'aveuglé"



dimanche 8 août 2010




Alors qu’est-ce que cela peut vous faire à vous

je veux dire qu’est-ce qu’implique pour vous l’identité nationale ?

la face de bouc après avoir retiré le doigt de son nez

essuyé soigneusement l’écran de son Mac les yeux à zéro

rattrapait ses phrases plates par des phrases châtiées en pianotant

tant et si bien qu’après allers et retours sur le clavier

ses doigts s’arrêtèrent déçus

une fois de plus

Oui

l’ordinateur est grand

comme la télé de certains anciens bipèdes

son dieu à lui est l’ordinateur

comme de ces gens qui vous connaissent un peu mieux qu’un peu leur affaire :

certains gros porcs

pas pressé

il les laisse écrire il fait même semblant de ne s’être aperçu de rien

et il tourne ses regards ailleurs comme ça pour aller zyeuter un peu les autres

après tout de la fiante

pour peu qu’il en cherche

il en trouve plus qu’un chien des puces dans son poil

la face de bouc continue son jeu

continue

croyant que tout va pour le mieux mais lui tout à coup

merde

y flanque entre les couilles un éclair une foudre prémonitoire

une sacrée jaunasse en nappe d’oie

effroyable

après la flambée aveuglante suivie d’une énorme détonation

tonnerre

à vous donner la chair de poule à un coq

lui

hé hé

joue les désinvoltes

il prend l’air oui oui

du je m’en contrefous :

mais en attendant en son for intérieur

il a commencé à comprendre

que ses jambes

elles

commencent à le lâcher comme coton

il en vient à sentir certaine tiédeur au creux de son pantalon

quand il change d’effets

la marmelade et le cul au bidet

le pantalon c’est la machine à laver qui en bénéficie


extrait de « La parabole de l’aveuglé»


samedi 7 août 2010

20 ans après: présence d'une absence...



Acrylique sur toile
162 x 130 cm /2005

Tous les critiques ont raison

il ne reste qu'à les comprendre


Les critiques n'ont qu'un tort léger

c'est d'être satisfaits de leur plaisir

de leur enchantement

de leur dégoût

de s'en tenir là

c'est de ne pas s'interroger plus loin

sur ce que signifie le plaisir le dégoût et autres


Une folle vierge apparaissait soudain

souvent

comme défournée par le crépuscule

sur le pas de la porte de l’atelier

elle avait tout du chien errant à la robe hérissée

le dentier à nu mais qui ne mordait pas

mieux

elle rayonnait de confiance et d’une bonne odeur de vie

assez dégoûtante à vrai sentir

en bras de chemise

moite aux aisselles

lourds seins collés à la robe

gare à qui les recevrait en mains propres

le tout combiné au spectacle de bas périclitants

mais encore retenus

allons

selon le jeu d’une probabilité balancée

entre le oui et le non

dégageant en outre de saines effluves

issues des plus nobles contrées de sa personne

oui c’était une vierge folle

immigrée de sa contrée

Afrique

elle était également poétesse et secourable aux pauvres

elle cultivait la poire le mouton et l’empreinte digitale

elle préparait des confitures

insipides

elle me vint en aide tant qu’elle put

fit rimer art avec phrase et couleur

puis décéda

pleurée

dans une clinique psychiatrique

le 22 juin 1985

le jour où

comme je l’ai écrit plus haut

le jour où mes mains rejetèrent leur ancienne peau

le jour où mes souliers me poussèrent

les pieds sans sens

insensés




mercredi 4 août 2010

A la vie ! A la mort!




IN GIRUM IMUS NOCTE ET CONSUMIMUR IGNI
acrylique
195 x 130 cm /2010